LETTRE D'INFORMATION du 14 juin 2021

Service d’aide aux collectivités proposé par l'OIEau sur les questions liées à l’eau potable,
l’assainissement collectif et non collectif.
 

Un projet industriel de grande ampleur remis en cause par le juge administratif pour incompatibilité
avec le SDAGE

Par un jugement rendu le 4 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du préfet de l’Isère pris le 19 décembre 2018 et portant autorisation environnementale du projet industriel INSPIRA-ZAC qui concernait l’aménagement de la zone industrialo-portuaire de Salaise-sur-Sanne et de Sablons, en Isère.

Cette autorisation unique portait autorisation au titre de la loi sur l’eau, autorisation de défrichement et dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées.

C’est l’association « Vivre Ici Vallée du Rhône Environnement » qui a formé le recours en annulation devant la juridiction administrative.

 

Aménagement portuaire – Île de Heligoland, Allemagne

 

Le projet INSPIRA

Le projet industriel INSPIRA, porté par la société publique locale « Isère aménagement », avait pour objet d’étendre la zone industrialo-portuaire de Salaise-sur-Sanne et de Sablons sur une nouvelle surface à aménager de 221 hectares.
 

Le dossier de demande d’autorisation unique pour ce projet a été déposé à la préfecture en 2016 par le maître d’ouvrage. Puis, une enquête publique s’est tenue en 2018 et a débouché sur des conclusions défavorables de la commission d’enquête qui a rendu son avis le 27 juillet 2018.

Malgré cela, le projet a été déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral du 18 décembre 2018 et les travaux d’aménagement ont été autorisés dès le lendemain par l’arrêté litigieux.
 

L’arrêté a été contesté par l’association devant le tribunal administratif de Grenoble.

L'Incompatibilité du projet avec le SDAGE

Les juges du tribunal administratif de Grenoble ont été amenés, dans cette affaire, à opérer un contrôle de compatibilité (ou de non-contrariété) de l’autorisation préfectorale délivrée au titre de la législation sur l’eau avec les objectifs et orientations du SDAGE Rhône-méditerranée 2016/2021 alors en vigueur. En effet, en application de l’article L.212-1-IX du Code de l’environnement, « les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ».
 

Or, s’appuyant sur la situation géographique du projet (à proximité d’une zone humide d’intérêt écologique majeur, classée Natura 2000 et réserve naturelle nationale) et sur l’étude d’impact réalisée en amont du projet, les juges ont considéré que ce dernier était incompatible avec les objectifs et orientations du SDAGE précité, compte tenu de son ampleur, des « besoins en eau qu’il génère », et de « l’absence d’éléments sur l’opportunité et l’impact des restrictions prévues par le préfet de l’Isère ». En effet, ils ont constaté que le territoire de la nappe alluviale du Rhône était classé en déficit quantitatif en eau par le SDAGE et que l’étude d’impact avait relevé que le projet INSPIRA générait de nouveaux besoins en eau de l’ordre de 80 000 m3 par jour.
 

En outre, bien que le préfet de l’Isère ait édicté des mesures tendant à limiter les prélèvements indirects d’eau potable pour les usages non-domestiques à 2000 m3 d’eau par jour et à compenser ces prélèvements en restituant à la nappe du Rhône les volumes prélevés, les juges ont considéré que l’opportunité et l’impact de ces mesures à long terme étaient inconnus, les conséquences de ces nouveaux prélèvements d’eau n’ayant pas été suffisamment évaluées.

Une illégalité susceptible d'être régularisée

Suite aux conclusions des juges sur l’illégalité de l’arrêté litigieux, ceux-ci se sont également prononcés sur la demande de sursis à statuer formulée par la société « Isère aménagement » et visant à fixer un délai pour régulariser les vices entachant la légalité de la décision prise par le préfet de l’Isère. En effet, en application de l’article L.181-18-2° du Code de l’environnement, lorsque le juge administratif a constaté qu’un vice affectant la légalité de l’autorisation environnementale peut être régularisé par une autorisation modificative, il peut « surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ».
 

Toutefois, le tribunal administratif de Grenoble n’a pas fait droit à la demande de sursis à statuer du maître d’ouvrage, considérant que l’illégalité entachant l’arrêté préfectoral du 19 décembre 2018 est insusceptible d’être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative, compte tenu de l’ampleur du projet « et de sa situation au regard des règles de non-dégradation des milieux aquatiques et de la prise en compte de la disponibilité de la ressource en eau ».
 

La requête de l’association « Vivre Ici Vallée du Rhône Environnement » a donc été accueillie par le tribunal administratif et l’arrêté préfectoral a été entièrement annulé, remettant ainsi en cause la réalisation du projet INSPIRA.
 

Ce jugement montre que l’exigence du juge quant au respect des règles du Code de l’environnement par l’administration s’accroît et illustre la tendance actuelle d’une meilleure prise en compte des préoccupations environnementales dans le cadre de grands projets d’aménagement.

Source :
Tribunal administratif de Grenoble, 4 mai 2021, n°1902805

Photo Pixabay

 

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